Cela fait bien longtemps que je n’avais pas fait d’atelier ou d’exercice d’écriture..
Ma copine Yue en a fait un le 2 Avril. C’était sa 6e édition.
Le concept ? Un thème imposé, puis quatre fois 25 minutes pour écrire (mais je n’avais pas compris donc j’ai fait la première session où j’ai un peu débordée – pis là pour le poster, je me suis relue, quand même).
J’ai eu envie d’essayer, juste pour voir si je pourrais y arriver.
Écrire me manque régulièrement, mais il faut trouver le temps, ou le prendre. Pour une fois, je me suis fait ce cadeau-défi. Je n’ai rien écrit de fifou, mais au moins, j’aurais essayé. Et pour une fois, j’aurais essayé un texte optimiste, en chassant toutes les réflexions arborescentes qui habituellement m’empêchent de rester simple et zen, ce qui n’était pas une mince affaire !
Petit texte sans prétention donc, avec le thème imposé en gras et bleu-vert.
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« Point de non retour »
Tous étaient d’accord: scientifiques, prophètes, leaders mondiaux…
La fin du monde était annoncée pour le 1er Avril 2023.
Aujourd’hui, nous sommes le 2, et il doit y avoir un paquet de monde qui se demande ce qu’il s’est passé. Ou plutôt ce qu’il ne s’est pas passé.
Quand la nouvelle est tombée, le monde est devenu fou. C’était largement à prévoir.
Je ne savais pas trop quoi en penser, mais certains sont partis au quart de tour. J’ai vite compris ce qui nous attendait.. Et j’ai eu peur pour elles… mes filles.
Mes précieuses petites bébés. Je ne voulais pas que le tourbillon de la Folie soit la dernière chose qu’elles connaissent. Je crois que c’est ça qui a fait que je ne suis pas restée pétrifiée.
Être une phobique sociale introvertie a ses « petits plus ». Pour éviter les magasins, j’ai toujours des réserves d’un peu tout.. Alors j’ai fait le seul truc qui m’ait paru sain. J’ai chargé la caisse à ras bord avec uniquement de l’essentiel : nourriture, pharmacie.. quelques bouquins aussi, faut pas déconner.
Je les ai emmenées avec moi, dans le premier « trou du cul du monde » auquel je pouvais penser. On s’est installées là, au calme, loin de tout et de tout le monde.
Les premières semaines, j’avoue, l’absence de PC et d’internet m’a coûtée. mais le sevrage passé, j’ai embrassé à coeur perdu cette nouveauté.
Y’a pas mal de standard qui ont sauté. Fallait bien se simplifier la vie. J’espère que le propriétaire de ce petit chalet paumé ne m’en voudra pas trop d’avoir défoncé sa porte… J’ai agi d’instinct. Au départ, je pensais vivre dans la voiture, mais bon, j’allais pas cracher sur plus de confort.
Je n’aurais jamais cru qu’elles seraient aussi heureuses de passer autant d’heures par jour cul nus à se rouler dans l’herbe, mais manifestement, c’est le bonheur. Non que ça m’ait donné envie d’essayer, mais c’est marrant à voir.
Au début je flippais de tout, notamment des tiques & piqûres d’insectes, mais après quelques jours, je suis passée à autre chose. Je garde l’oeil ouvert, et tout va bien.
On a une rivière pas loin, et même un bosquet avec quelques arbres fruitiers. Il y a aussi quelques animaux qui ont élu domicile dans le coin, et certains se sont habitués à notre présence. Aucun incident à déclarer. On se promène tous les jours, et tous les jours, on découvre des trucs. Enfin bref. On s’est démerdées jusqu’ici.
On s’est occupée de nous, et seulement de nous. On a joué. On a lu. C’était cool. En fait, bon sang, c’était même beau. On a savouré chaque instant.
On a observé les étoiles danser au firmament, presque toutes les nuits. On a regardé la voute céleste s’animer de moutons cotonneux les jours bleus, et dresser ses monochromes les jours gris. On a regardé le Soleil se lever et mourir, tous les jours. On a vu le ciel se peindre et se dépeindre, s’embraser et s’éteindre. On a contemplé les palettes arc-en-ciel et les toiles sombres. Je commentais les choses les plus incroyables. Elles sont petites encore, si petites. Elles n’ont sûrement rien compris de ce que je leur disais, mais elles ont écouté.. Je crois qu’elles ont compris qu’elles étaient témoins de la vraie beauté de notre Monde…
J’ai tenté de les initier à tout ce qui a toujours fait que je tenais malgré tout. Mes essentiels à moi. Mes plaisirs minuscules. Ceux qui tiennent aux sens.
On a écouté les sons de la montagne : la rivière, les oiseaux, les insectes, la météo. Le vent aussi, auquel on offrait nos visages, les yeux fermés, allongées dans l’herbe… On a regardé les couleurs éclatantes du Printemps naissant. Les fleurs, les animaux. Surtout les papillons. On a caressé les textures qui s’offraient à nos paumes ouvertes, reniflé les odeurs qui flottaient dans l’air. On a goutté la pluie, et les pétales de trèfles… J’ai plusieurs fois pleuré de Bonheur.
Oh y’a eu des cris aussi, mais si peu. Rien qu’un énorme câlin ne pouvait calmer. On a fait du feu dans la cheminée du chalet. On s’est endormies sur un vieux tapis en regardant les flammes danser et crépiter derrière la vitre. On était bien.
On a vécu notre Apocalypse simplement, mais on a vécu pour de vrai. En fait, on s’est laissée exister, comme jamais je ne m’étais autorisée à exister. Exactement comme je rêvais de pouvoir les laisser exister..
Enfin voilà. On est le 2, et la fin n’a pas eu lieu.
Peut être demain ? Peut être jamais ? Encore une arnaque de plus quoi.
Et le mal est fait, dans un monde que je devine défait..
Le bien aussi peut-être, si on essaie de positiver ?
J’ai toujours eu un côté pas mal pessimiste. J’ai toujours pensé qu’on s’autodétruirait si la Nature ne nous évacuait pas avant. Si ce n’était ces petites mains minuscules empoignant fermement mes doigts, je serais presque déçue que rien ne se soit passé..
J’ignore ce qu’il convient de faire maintenant. Je doute que quiconque le sache. Mais une chose est sûre. Je ne pourrais plus revenir en arrière. J’ai franchi un point de non retour.
Comment revenir à un monde injuste et insensé, quand ici et maintenant, je les vois rire à gorges déployées ?
Ouais. Je crois qu’on va rester ici. On tentera des virées de temps en temps pour se ravitailler si vraiment le besoin approche. Mais on ne retournera pas en prison.
On fera ce qu’on a toujours fait, c’est à dire ce qu’on peut, mais au moins on le fera dans un coin où y’a des chances qu’on soit heureux.
Et si la fin du monde arrive, on fera comme prévu : partir oui, mais sans la souffrance de la peur, sans l’agonie de l’angoisse…
Glisser les rides aux yeux, en se sentant aimé, ou vivre vraiment comme on veut, qui dit mieux ?
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Voilà !
J’ai plein d’autres articles que j’ai commencé et jamais fini encore. Certains je n’ai juste pas encore osé les poster… J’espère que ça viendra.
En tout cas, je suis toujours là, aussi dure que ce soit parfois, et on se reverra ! Alors, à bientôt !