Journal – Pavé de pensées vers demain

Nous y sommes presque.. dans quelques jours… Et pourtant je ne réalise toujours pas.

Il m’arrive encore de regarder mon ventre et de constater avec surprise sa taille, me souvenant d’un seul coup de ce qui se prépare : deux vies, à l’intérieur… C’est tellement fou… irréaliste, encore plus que tout le reste auparavant. J’ai du mal à vraiment croire que la semaine prochaine, deux bébés nous rejoindront dans « la vraie vie », et dont il faudra s’occuper du mieux possible..
Ils ne seront plus à l’intérieur de moi, protégés tant bien que mal – enfin, ont-il réellement déjà été à l’abri là dedans, avec tout ce qu’il s’est passé ?? Ils ont bien du mérite de s’être accrochés. C’est que ce sont déjà deux petits êtres bien battants, de vrais guerriers miniatures, mais ça reste si fragile, un humain, surtout au début…

J’aurais tant de projets, d’idées, d’espoirs… j’ai tant de doutes, de peurs, de questions… et pourtant aucune énergie pour m’y pencher dessus, là tout de suite. Le fait d’avoir passé si longtemps dans les problèmes de santé qui nous ont empêchés de nous projeter, nous n’avons rien préparé comme nous l’aurions souhaité. On a encore des choses à préparer, une pile monstrueuse de bouquins à lire, et j’en passe… Cela devra attendre encore un peu. On parera au plus urgent, celui qui arrive maintenant, presque immédiatement.

À vous, mes enfants à naître, petites âmes nouvelles…
j’ai à la fois hâte de vous rencontrer, et que les douleurs puissent cesser (remplacées par d’autres, probablement, pendant un temps), et infiniment peur de ne pas réussir à gérer…

J’ai déjà raté milles choses que j’aurais voulu faire pendant la grossesse. Pas seulement pour moi (comme des photos tous les mois de mon ventre), mais pour vous aussi. Vous chanter des chansons, vous faire écouter plein de musiques différentes, vous parler plus souvent, faire plus de session méditatives, créer vos premières peluches, vous choisir une tenue particulière… Hélas, entre deux asthénies et deux heures remplies de douleurs, je n’ai trouvé le temps que de vous observer faire remuer mon ventre, fascinée et incrédule… J’ai déjà laissé échapper trop de temps, d’occasions.. et je sais que ça risque d’arriver encore… M’en voudrez vous ?

Mes bébés. Vous m’apparaissez encore lointains. Petites choses invisibles, impalpables. Je n’ai pas réussi à déjà vous aimer aussi fort que je l’aurais souhaité, j’avais trop peur de vous perdre et de trop en souffrir, alors j’ai contenu, contrôlé, redirigé… J’ai ressenti l’amour et l’ai exprimé, mais c’était si loin de ce que ça aurait pu être, si je n’avais pas mis cette protection en place, ce mur de raison… et je sais qu’il me faudra travailler ce retrait pour le briser quand enfin on va se rencontrer, surtout en sachant que votre arrivée ne sera pas non plus celle dont j’avais rêvé.
Jusqu’au bout ou presque, j’ai cru qu’on échapperait à la « Néo-nat ». Apprendre l’inverse m’a tellement fait pleurer… Savoir que vous ne dormirez probablement pas à mes côtés dès la première nuit (et probablement plusieurs), qu’il faudra sans doute aller vous voir au bout du couloir dans une chambre de surveillance, que peut-être je vais vous voir avec des ‘câbles’ un peu partout sur votre peau.. et que votre Papa ne pourra peut-être pas être là, au moins pour les premières nuits. j’essaie de ne pas trop y penser, car ça m’est douloureux par avance..
Ma seule satisfaction au final, c’est d’avoir réussi à vous aimer, même trop peu, de façon inconditionnelle. C’est le point qui compte le plus pour moi actuellement, ce que je veux pouvoir vous apporter impérativement.
Vous n’avez rien fait pour me blesser, je n’ai juste pas eu de chance sur le trajet… et même si pour éviter d’admettre l’attachement déjà en cours, je vous appelais juste « mes bestioles », vous vous êtes accrochées. Je me sens pleine de gratitude pour cela, et je suis déjà si fière de vous..
Alors je ne vous en ai pas voulues de tout ce qui s’est mal passé, même quand j’ai eu peur que « vous » ne m’abandonniez. J’ai été révoltée, désespérée, fatiguée, oui mais je l’ai accepté sans vous le reprocher : j’ai gardé en tête que rien n’était de votre fait ou volonté, pas même les douleurs que vos mouvements ont pu provoquer.
Je n’aurais jamais imaginé que la grossesse me coûterait autant, à tous les niveaux, mais je n’ai pas perdu de vue que la faute n’en revenait à personne, et même lorsque je pleurais, j’arrivais à vouloir vous rassurer, à m’enquérir de votre bien-être, etc. Je sais qu’à l’avenir aussi, j’aurais des moments de colère, de détresse, et tant d’autres encore. Je sais que je vais perdre le contrôle de ma tête et parfois aussi de mon corps, mais je crois qu’il me sera possible de ne jamais le diriger contre vous… en tout cas, je ferai tout pour; Alors battez vous mes petits bouts. Ne lâchez rien. Continuer de vous développer du mieux possible, puis grandissez. Devenez deux merveilles sur pattes qui apprendront la vie avec nous. Car nous allons apprendre tous les quatre les uns des autres. Des leçons faciles, des difficiles.. Bon sang j’espère être à la hauteur.. j’ai tant de lacunes dans ce monde..

Je suis quelqu’un qui a besoin de beaucoup de silence, de solitude, et d’intimité. Je sais qu’à votre arrivée, il me faudra m’en passer grandement, voire totalement, pendant quelques mois à quelques années au moins.. C’est un sacrifice que j’étais prête à consentir pour vous rencontrer, mais je sais que cela me sera très difficile. Ce que j’ignore, c’est si j’en serai finalement capable… Je ne peux rien promettre d’autre que « je ferai de mon mieux ».

Je pensais en connaître déjà un bon rayon en douleurs et fatigue, mais cette grossesse n’a eu de cesse de me faire revenir sur cette idée. Les douleurs ont pu changer, l’intensité varier, mais bon sang, jamais je n’avais été aussi éprouvée… Cela ne s’arrête jamais… Je ne sais pas dans quel état d’épuisement moral et physique je serai pour vous accueillir…. Pardon par avance… Je risque fort de manquer de patience et de courage pour faire les choses comme je les avais rêvé…
On sera deux à s’épauler, se relever.. mais il y aura probablement des moments où on aura besoin de s’isoler pour récupérer sans vous blesser, ou le moins possible… On n’en sera pas fiers, on n’en abusera pas… mais je crois que c’est important d’être conscients de ça..

Pardonnez-moi, je ne veux pas non plus m’oublier pour vous. J’ai trop vu ce que cela donnait chez mes proches… J’ai pu sentir la frustration, le besoin de tout contrôler, le désespoir parfois, et la rancœur, bien souvent inconsciente comme le reste, mais le tout pouvant être dévastateur, pour la mère ou les enfants, lorsqu’ils refont surface. Parfois pour les deux, et leur lien ensemble..
Je ne veux ni tout porter seule, ni m’en délester sur vous ou sur votre Papa. Je veux faire de mon mieux, sans dissoudre mon moi dans le seul titre que j’aurais à vos yeux..

Je ne veux pas m’en vouloir, et je ne veux pas vous en vouloir, vous tenir pour responsable de cette pression que subissent (et se mettent) les mamans. Je veux être juste avec vous, et me sentir bien avec moi-même. Je veux créer un lien d’amour non terni par les attentes.. et pour cela il faudra bien qu’on réussisse à le créer malgré mes limitations, et les vôtres.

J’espère trouver le juste équilibre entre rester ma seule priorité comme si je n’étais pas maman, et tout vous sacrifier comme si je n’étais rien d’autre désormais.. Une balance de type « ce sera Vous chaque fois que possible, et moi chaque fois que nécessaire ». Je me doute qu’il y aura des ratés parfois, mais je ferais en sorte qu’ils soient les moins nombreux possibles.
Pour cela j’aurais besoin de pouvoir rester un minimum une femme qui écoute aussi ces propres besoins.. j’espère que cela vous apprendra également à respecter les vôtres au passage, et qu’on pourra, petit à petit, en discuter ensemble, à mesure que vous grandirez. Et puis heureusement, il y aura votre Papa pour m’aider avec tout ça.. Et parfois on ne sera pas d’accord, parce qu’il est déjà complètement gaga ( ☺ ! ), et qu’il reste un humain à part entière lui aussi, avec ses propres besoins & avis…

Il y a plein d’autres choses que je voulais vous écrire… sur moi, sur vous, sur ce qui semble nous attendre… sur ce monde à la fois incroyablement beau mais aussi détestablement fou… Mais ce n’est pas le moment, n’est-ce pas ? Pensons à autre chose… et mettons fin à ce blabla sans queue ni tête qui n’a nul endroit où aller.

La valise est presque bouclée.
Vos lits sont quasiment installés.

Non, nous ne sommes pas prêts. Personne ne l’est vraiment jamais.. Mais peu importe, après tout. Il faut bien un jour apprendre à improviser !

Quelques jours encore avant votre arrivée…

 

3 Comments

  • virevolte dit :

    Coucou, sont-ils là les deux amours ? je pense à toi, à vous !

  • virevolte dit :

    Et bien pour quelqu’un qui dit ne pas avoir pu les aimer aussi fort que tu aurais voulu, et bien je trouve que tu les aimes déjà énormément et que tu as beaucoup réfléchi au moment où ils seront là !
    Pour mon deuxième, je n’ai pas eu l’impression de m’investir dans la grossesse, je ne voulais pas être trop triste s’il disparaissait lui aussi, mais au moment où je l’ai tenu dans mes bras, tout s’est effacé et je l’ai aimé sans concession et il me l’a bien rendu ! 😀
    je pense bien à vous !

  • Nath dit :

    Oh là là, bientôt la rencontre! on pense fort à vous!

    Il faudra, quand vous aurez un peu de temps, nous donner les dates où vous auriez le plus besoin d’un relais, comme ça je peux essayer de m’organiser et prendre des billets de train (ça devient vite complet, même en semaine).

    Des bisous!!!

    Nath

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