Nous sommes le 15 octobre : Journée Nationale du Deuil Périnatal.
Une journée pour accompagner, sensibiliser … et contribuer à lever un tabou.
– Avant Propos –
Aujourd’hui, il s’agit donc d’un article qui est loin d’être joyeux, mais qui je pense est important. Perso, j’ai toujours été une « Miss pieds dans le plat »..
– Déjà parce que j’ai horreur des tabous. Toutes ces choses dont personne ne parle jamais, comme si ça n’existait pas, comme si c’était mal, ou sale, ou que sais je encore. Toutes ces choses qui font partie de la vie (pour le meilleur ou pour le pire), mais que l’on tait, et dont on fait honte à ceux qui le vivent ou qui nous prive de mots et d’aisance, soit pour en parler, soit pour accompagner.
Notre société est pleine de tabous en tous genres : Les émotions désagréables (si,si : peur, colère, tristesse), le sexisme quotidien et la « culture du viol », le viol dit « conjugal », les troubles de la sexualité masculine, la sexualité des femmes, les aléas des vies de couples, les violences éducatives ordinaires, le non désir d’enfant, ou au contraire les aléas de la parentalité et du désir d’enfant, etc. Ce dernier domaine est probablement l’un des plus vastes.
Parmi les tabous de ce domaine : Les difficultés que rencontrent certains couples pour avoir des enfants, les maux plus ou moins fréquents de la grossesse qui peuvent en faire un cauchemar, les dangers potentiels des accouchements avec notamment les maltraitances gynécologiques, puis le tourbillon émotionnel qu’affrontent les jeunes parents (et ce quel qu’eut été leur désir d’enfant – personne n’est jamais vraiment préparé), les questionnements sans fin des ces parents confrontés à la réalité qui diffère du Disney qu’on leur a vendu, en même temps qu’aux injonctions contradictoires et inutiles qui pleuvent de partout… mais aussi et surtout : le Deuil Périnatal. Et c’est le sujet du jour.
– Ensuite, parce que j’ai découvert ces dernières années un tas de choses dont j’ignorais tout, et que j’en suis restée assommée, choquée qu’on n’en parle jamais. Ok, le sujet est tout à la fois lourd et délicat, mais l’enterrer n’a aucun sens. Comment accompagner nos proches si on ne sait même pas que ça existe ?? Taire un problème ne le fait pas disparaître, il empêche seulement les gens de s’y préparer un minimum, et les isole quand ils y sont confrontés. Il appartient à chacun de nous de changer cet état de faits.
Pour une fois, j’aimerais dédier mon article à des amies. Des femmes formidables, fortes, et que j’aime beaucoup : Léanora, M., et D. Mon coeur est avec vous.
– Introduction –
J’ai trouvé sur le net un article de blog qui a le mérite de résumer de façon directe l’existence du Deuil Périnatal, et la problématique liée à la naissance, sur le Blog de Maïté : http://maylismonange.over-blog.com/. L’url n’étant pas sûre selon mon antivirus, je ne le linke pas, mais je vous en mets les premières lignes ici (+ deux courtes phrases qui ont accroché mon regard et mon coeur) :
« Je ne souhaite pas vous faire peur, mais seulement vous ouvrir les yeux, que vous soyez averti, que non, la grossesse n’est pas un long fleuve tranquille, qu’il ne suffit pas de vouloir un enfant pour l’avoir, qu’il ne suffit pas d’être enceinte pour le voir naître, qu’il ne suffit pas d’accoucher pour le voir vivant, et qu’il ne suffit pas qu’il soit vivant pour qu’il vive.
[…] Soyez conscients que (…) vouloir donner la vie, c’est accepter de donner la mort.
[…] Ce n’est pas la durée d’une vie qui en fait sa valeur. »
Parce que la plupart d’entre nous l’ignore (parfois très longtemps), mais autour de nous, il y a toujours au moins une personne (et souvent 2 – le couple) concernée(s) par ce sujet tabou, qui souffre(nt) en silence. Une personne qui a fait une (ou plusieurs) fausse(s) couche(s), précoce ou tardive. Une personne qui a subi une IVG ou IMG pour diverses raisons, le plus souvent médicales. Une personne qui a été déclenché parce que le coeur de son enfant s’était arrêté de battre ou qu’il était condamné. Une personne qui a accouché normalement, et dont le bébé n’a jamais respiré. Une personne qui a accouché d’un enfant vivant, qui est mort peu après, à l’hôpital ou à la maison.
Ces situations existent, et elles n’arrivent pas qu’aux inconnu(e)s. C’est peut être arrivé à votre mère, votre soeur, votre belle-soeur, votre meilleure amie, votre collègue de bureau, votre voisine… et à ceux qui vivent auprès d’elles (n’oublions pas ces messieurs).
Si quelques fois, vous n’entendez parler que de ça, la plupart du temps, vous n’aurez rien vu, rien su. Une telle douleur, chacun la gère comme il le peut, comme il le sent. Mais un jour vous apprendrez peut être qu’une personne dont vous pensiez tout connaître portait seule un cruel fardeau.. et ce jour là, elle pourrait avoir besoin de vous.
Je ne suis pas portée sur les conseils donnés d’office, mais là je me permets de vous donner à tous un important conseil d’entrée de jeu :
– N’en veuillez jamais à une personne qui ne vous a rien dit. Et gardez vous bien de juger quoi que ce soit.
Acceptons le : de base, nous ne pouvons éventuellement comprendre que ce que l’on a déjà vécu soi-même. Et encore, dans des cas comme ça, il est impossible (et totalement hors de propos) de comparer les expériences. Et comme, souvent, personne ne nous a jamais appris à accueillir ce genre de chose comme il se doit… autant dire qu’on va gaffer à quasi tous les coups. Les gens qui ont vécu des drames « tabous » le savent bien. Et lorsque l’on sait que nous serons incompris et/ou que la personne en face va gaffer, quel que soit le problème, que faisons nous tous ? Nous ne disons rien.
Il existe des milliers de raisons de ne rien dire à son entourage, même à sa meilleure amie à qui on avait toujours tout dit jusque là.
Pour éviter de devoir raconter cent fois la même histoire douloureuse, pour éviter d’entendre des phrases passe-partout qui sont tout sauf ce qu’ils désirent entendre à ce moment là, pour éviter de devoir justifier ce qui s’est passé quand bien souvent ils ne le peuvent pas, pour éviter que cela ne devienne dans notre bouche un « ragot » qui fera le tour de la place du marché sans égard ni pudeur pour leur détresse et leur intimité (surtout si comme moi ils ont horreur de ces trucs là de base), pour tout cela et plus encore, il est humain que bien des gens taisent leur Douleur. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Seulement qu’ils se protègent. Donc, vraiment, soyons compatissant.
Ceci étant posé, parlons un peu plus en détail de ce Tabou, pourtant plus répandu qu’on ne veut bien le dire.
– Le Deuil Périnatal –
Le Deuil Périnatal : Qu’est-ce que c’est ?
Le Deuil Périnatal, c’est une histoire qui aurait du être magnifique, et qui s’est terminée en Tragédie. C’est la perte d’un enfant avant, pendant, ou après l’accouchement.
Il concerne tous les parents qui ont perdu l’enfant qu’ils avaient voulu, désiré, parfois même un enfant qu’ils ont longuement attendu, et pour lequel ils s’étaient battus. Le Deuil Périnatal, c’est une marque au fer rouge dans le coeur de ces parents à qui il manque l’un des êtres les plus précieux à leur existence, et qui sont malgré tout des parents, même si personne d’autre ne le voit.
Aujourd’hui, on les appelle des « Mamanges » et des « Papanges ». Des « Par’anges ». Des parents de petits anges. Et c’est expliqué ici de façon très touchante sur un forum.
Ce sont les seuls mots dont ils disposent pour déclamer au monde : « vous ne le voyez pas, mais mon enfant a existé ».
Car le côté le plus vicieux du Tabou autour du Deuil Périnatal n’est même pas que personne n’est préparé à voir ses espoirs s’effondrer quand part l’enfant tant espéré, c’est que la société tout entière semble vouloir le gommer, l’ignorer. De gros progrès sont à faire en termes d’accompagnement médical et psychologique, mais le plus gros du travail se situe à mon sens au niveau des mentalités (je le sais, je n’ai pas su accompagner quelqu’un la première fois que j’ai été face à ce monde inconnu) :
Minimisation de la douleur des parents, Négation de la vie de leur enfant (quand bien même il serait parti à 1 mois de gestation – il a été là), Indifférence face à leur solitude, Culpabilisation de leur détresse ou de leur choix quand il y en a eu un… Notre société nous enseigne à fuir et refouler tout sentiment désagréable, et tout ce qui ne sonne pas comme de la publicité enjouée. Sans compter que nous sommes « dressés pour juger »… De fait, les Paranges sont seuls face au monde, et luttent autant pour se relever que pour faire reconnaître l’existence de leur Ange.
Enfin non, pas tout à fait seuls : ils sont des milliers à partager cette douleur, certains ont créé des sites, des forums, des associations pour pouvoir se soutenir mutuellement, et avoir un espace où faire vivre le souvenir de leur enfant disparu. Tous n’y vont pas, mais il est important de souligner que cela existe. Mais je reste convaincue que le soutien des proches demeure primordial.
J’ai fait quelques recherches pour trouver un peu plus d’infos sur le DP. Je vous mets quelques lien vers des articles ou sites. Libre à vous d’en poster des plus pertinents en commentaires :
http://association-agapa.fr/
http://www.deuilperinatal.ch/
Articles :
https://www.parents.fr
http://www.magicmaman.com/
http://www.psychologies.com/
http://lepetitmondedekirichou.blogspot.com/
Le Deuil Périnatal : Quelle réaction ?
Chaque personne vivant cette tragédie réagira à sa façon, et si certaines réactions sont plus facilement acceptées que d’autres, toutes sont à accueillir sans jugement. Colère, Dépression, Discours en boucle, Apathie, Feinte que tout va bien, Passage à autre chose, Séparation… Tout est possible, car les gens s’engagent de façon différente, et à différents moments avec leur enfant. Certains n’ont plus que lui dès l’instant où le test est positif… d’autres ne réalisent que quelque jours après l’accouchement qu’une nouvelle vie a débuté. Nous sommes tous différents, il n’y a donc pas de bonne ou de mauvaise réaction dans l’absolu. Même si nous ne comprenons pas, accueillons leur façon de ressentir les évènements.
Vous pourrez trouver ici différents témoignages, pour différentes histoires, différentes réactions…
https://www.mamanvogue.fr/temoignages-deuil-perinatal-mamanges/
Et je vous donne ici le lien d’un témoignage d’une personne que je connais personnellement, et que j’adore… et que j’aurais souhaité être capable d’accompagner à l’époque lorsqu’elle a vécu son cauchemar.
https://leanorastory.wordpress.com/2016/10/15/je-ne-suis-pas-maman-de-2-enfants/
Qu’en est-il de nous, leurs proches ?? Que pouvons nous faire pour eux ??
Techniquement, il n’y a « pas grand chose » à faire, mais ce pas grand chose est d’une importance capitale.
Je rappelle une chose : Il ne faut jamais vouloir comparer deux souffrances, quelles qu’elles soient. La perte d’un enfant est quoi qu’il en soit une Douleur incommensurable. Et que les choses soient bien claires : on peut avoir la meilleure imagination du monde, la meilleur empathie : JAMAIS personne ne saura ce que cela représente sans l’avoir vécu. Et même une fois vécu, personne n’aura jamais la certitude de comprendre le profond désarroi que vivent ces personnes car tout le monde vit sa douleur différemment. Nous n’avons donc jamais à présumer que l’on comprend une douleur qui nous est inconnue.
Cela étant, rien ne nous empêche de tenter de les aider à vivre leur douleur, et pour cela, rien de plus simple.
1 – Ne pas nier leur douleur, ne pas la minimiser.
EXIT direct les phrases « à la con » qui visent uniquement à sauter la mauvaise passe (comme si on pouvait accélérer les orages pour revoir plus vite le Soleil…). Non notre ami(e) n’ira pas mieux avec des phrases comme ça : « Vous êtes jeunes, vous en aurez d’autres », « Bah, il est parti tôt, ça va, vous vous étiez pas attachés encore », « La Vie/Dieu avait sûrement de bonnes raisons de le rappeler », etc.
EXIT aussi la culpabilisation des parents, encore trop fréquente (et ce qu’il s’agisse ou non d’une décision prise suite à l’annonce de la non viabilité de l’enfant) : « Et vous êtes sûrs d’avoir fait tout ce qu’il fallait ? », « Oui enfin, vous avez fait le choix, c’est vous qui l’avez voulu donc ça doit aller… », « Franchement, tu aurais pu attendre et voir… », etc.
EXIT enfin l’égocentrisme de la personne qui ne partage pas cette souffrance avec les : « Moi à ta place, je… »
En Bref : Réfléchissez bien avant de parler. On parle d’une injustice qu’il est impossible de se figurer, de plusieurs vies (celle de l’enfant, et celles des parents), et d’un véritable traumatisme avec deuil.
2 – Offrir un lieu d’existence pour cette douleur et cet enfant perdu >> Écouter.
Dans la mesure du possible, ne parlons pas : écoutons. Osons leur proposer de les laisser parler, et écoutons nos proches nous parler de leur souffrance, même si cela nous rend triste ou mal à l’aise.
Écoutons-les nous raconter ce qu’ils ont vécu si nous nous en sentons capables (ou annonçons clairement la couleur dès le départ – inutile de se forcer).
Écoutons-les nous parler de ce petit Trésor qui a quitté leur vie, de l’Amour qu’il avait déjà si fort pour lui.
Écoutons-les nous décrire cette injustice qui les marquera jusqu’à la fin de leurs jours, et compatissons autant que possible (et je dis bien « compatir » et pas « avoir pitié »).
Entendons le fait que, pour eux, ce bébé a existé, qu’il a compté plus que nous ne pourrions le comprendre, qu’il leur manque, et qu’il aura toujours sa place en eux.
(Et quand je dis « eux », j’insiste, il ne faut pas oublier le père, qui plus souvent qu’on ne le croit, vit une douleur morale toute aussi vive, mais se voit « interdit » par de stupides conventions de l’exprimer, ce qui n’arrange rien.)
3 – Respecter l’intimité de la Détresse.
Nos proches ont eu suffisamment confiance en nous pour nous en parler. Certes, nous les aidons à porter ce fardeau, mais nous ne sommes pas les premiers concernés. Nous pouvons être tristes pour eux, choqués qu’une telle chose soit possible, révoltés par la façon dont tout cela est arrivé … mais cette Douleur ne nous appartient pas, et donc le droit de la relayer non plus. Abstenons nous de raconter à qui veut l’entendre la « terrible aventure » subie par nos proches. Pas même avec le « je connais quelqu’un qui … », sauf s’il a été clairement dit que c’était ok d’en parler.
Il n’existe probablement aucune douleur aussi immense et aussi intime que la perte d’un enfant. Même la perte d’un conjoint sera différente, et pourtant c’est ce que j’imagine qui pourrait s’en rapprocher le plus en terme de déchirement (la perte d’une partie de soi). Pareille douleur ne constituera donc jamais un simple « ragot » à déballer, il est important de respecter l’intimité de la famille endeuillée. De base, parlons en avec les premiers concernés, entre gens informés à la rigueur (si on est bien certains qu’ils le sont), mais pas davantage.
En Résumé, je le dis et le répète : Ne RIEN juger, s’abstenir de sortir des phrases automatiques, écouter, et ne pas répéter. Rien que ça, c’est être présent vraiment, et respectueux, et c’est un beau présent. Le seul que nous puissions faire pour eux. Avec la sensibilisation, afin de lever ce tabou.
Je vous remets le lien vers la magnifique vidéo « AMA » de Julie Gautier que j’avais présenté dans un précédent article. C’est sublime et poignant en plus d’être artistique et impressionnant, et c’est une façon délicatement tendre d’aborder le sujet, donc n’hésitez pas à la partager.
– Ensemble, brisons le tabou –
A tous ceux qui ont vécu l’enfer du Deuil Périnatal, (ou qui vivent celui de l’infertilité), je n’ai que quelques mots à poser sur un coin d’article : Je vous souhaite tout le Courage du monde, dont vous faites déjà certainement preuve, toute la Chance possible pour l’avenir, et surtout, gardez espoir autant que possible. J’espère qu’il y aura au moins une personne dans votre entourage qui sera capable de vous épauler dans votre souffrance.
Pour ceux-là et pour tous les autres, il ne me reste qu’une seule chose à écrire : Prenez soin de vous, et de vos proches.
A bientôt.
Magnifique article, vraiment poignant. C’est terrible que parfois les personnes les plus proches soient celles qui sortent les mots les plus blessants.
Gros bisous!!
Nath
Merci pour ton commentaire.
Effectivement, ce sont souvent les proches qui blessent le plus, justement parce qu’ils sont proches, c’est comme pour tout. Quand tu es en souffrance, quelle qu’en soit la raison, le gars que tu connais pas te sort un « C’est pas grave », tu t’en fiches, il ne te connaît pas, tu n’attends rien de lui, mais un proche, tu attendras qu’il entende que tu souffres, un peu d’empathie quoi. Or c’est rarement le cas.
Parce que personne ne sait comment « accueillir » une douleur, une détresse… alors un truc pareil, que personne ne peut imaginer…
Le problème, c’est que c’est un cercle vicieux : on gaffe, alors les gens n’osent pas en parler, alors on ne sait toujours pas comment accueillir, etc… La première de mes amies à qui c’est arrivé, j’ai vraiment été nulle, je n’ai pas été « vraiment là » pour elle… La dernière, j’ai été beaucoup plus à l’écoute (même si j’aurais préféré qu’elle ne vive jamais ça)… Ce sont des moments horribles… mais rien n’empêche de les rendre tel qu’ils sont : humains.
J’espère que contribuer à briser le tabou, à faire évoluer les réactions des gens, ça rendra possible davantage d’empathie pour les prochains qui souffriront car hélas, c’est un scénario qui arrivera toujours.
Gros bisous !