Quand j’ai peur ou que je suis blessée, des voix résonnent dans ma tête…
« Tu es fragile » me disent les voix de ma soeur, de ma mère, d’autres.
« Tu es forte » me disent les voix de mon amie, de mon conjoint, d’autres.
« Fragile ». Comme un objet qui se casse en tombant, ou s’ébrèche au moindre contact un peu rude, et ne saurait être réparé.
« Forte ». Comme un mur qui se dresse fièrement et supporte les coups sans broncher, ou que l’on pourra reconstruire à l’infini.
Étrange parallèle, qui n’a aucun sens pour moi.
Il est vrai que l’on peut être à la fois fort et fragile. Tout dépend du contexte, du moment, de l’épreuve…
Pourtant, je ne me retrouve dans aucun de ces termes.
Je ne suis pas « fragile ».
Oui, j’ai été plus d’une fois brisée et piétinée, mais je n’ai pas encore renoncé que je sache.
Oui, c’est lamentablement que j’avance, l’âme à vif, il n’empêche que je ne suis pas à l’arrêt.
Oui, parfois je panique et suis terrorisée, pourtant je ne laisse que rarement le dernier mot à mes craintes.
Je ne suis pas « forte ».
Oui, j’ai encaissé plus que je ne le dis et je me bats encore, mais je le fais tantôt claudiquant, tantôt en rampant, sans savoir où cela mène.
Oui, je m’obstine face à la Vie et ses injustices, agrippée à ma volonté, mais je le fais le cœur submergé de sanglots et de peurs.
Oui, je combats mes peurs, mais j’ai tout de même besoin de les exprimer et de leur laisser un peu de place pour les vivre.
En fait, je suis tout simplement humaine, comme tout le monde. Cela signifie que je ne suis ni fragile, ni forte, je suis juste « vulnérable », j’ai mes peurs, et je sais faire montre de courage, parfois.
Je trouve triste que le monde fasse sans cesse l’amalgame entre vulnérabilité et fragilité, de même que dans une moindre mesure, entre force et courage. Pourtant, si les mots sont distincts, ce n’est pas sans raison, non ?
Peu m’importe que vous saisissiez ou non la différence, le dictionnaire de mon cœur connaît l’importance de ses propres nuances, surtout celles-ci.
Je ne suis ni fragile, ni forte, et je n’ai pas besoin d’étiquette qui déterminerait à l’avance mes capacités, jusqu’à la fin des temps, niant par là même la variabilité de l’être vivant.
Si je n’ai pas de quoi être fière, je n’ai pas non plus de quoi avoir réellement honte. Je ne cherche pas particulièrement la première, je maintiens la seconde à distance. A fleur de peau, je suis une écorchée, mais une écorchée qui continue à cheminer à côté de vous, envers et contre tout, même si ça fait mal.
Parce que s’ouvrir au monde et s’y exposer, c’est accepter la possibilité des échecs, des blessures, des injustices…, c’est accepter d’être vulnérable.
Parce que c’est en étant vulnérables qu’on est vraiment vivants, vraiment humains.
Et parce que quelles que soient nos différences, nous sommes tous frères, et il est vain de vouloir juger les « faiblesses » et les coups de mou, les « forces » et les réussites.
En ce moment, je revendique le droit de dire que j’ai peur. Car j’ai peur des envies qui ont fini par naître en moi, peur des épreuves à venir, peur de me rétamer encore une fois, peur des éléments de demain que je ne peux maîtriser, peur que tout s’arrête aussi.
Je revendique le droit à ma vulnérabilité, et celui de l’exprimer.