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12 mai 2023

Un an – Bilan

By | Blabla / News | 4 Comments

C’était il y a un an.

Déjà un an. C’est fou…
Deux petits êtres tous nouveaux s’invitaient dans mon quotidien de façon très très tangible. Bouleversant tout avec leur arrivée, ils ont chamboulé mon corps, mon cœur, et ma tête.
On a beau se préparer, on a beau savoir ce qui nous attend et ce que l’on sacrifie : on n’est jamais prêt. La connaissance d’une chose n’est en aucun cas la vivre. Cela aussi, je le savais déjà, mais je le ressens encore plus maintenant. On est peut-être – au mieux – mieux préparé, mais c’est tout.

Déjà un an..

Un an à courir pour s’occuper au mieux d’elle et à oublier totalement de m’occuper de moi, car quand est-ce que j’en aurais trouvé le temps de toute façon ? Un an que j’ai de plus en plus perdu forme humaine, et que je ne me sens plus comme « une personne ». Factuellement si je suis honnête, un an de mal-être, pesant et profond, et de mal-manger sur le pouce et (#retour en force de la boulimie : de) grignotage pour compenser : le manque de temps, le manque de sommeil, le manque d’intimité, le manque de détente. Le manque de presque tout.
Un an de douleurs connues pendant la grossesses, ou nouvelles dues à mon surpoids, de déprime parce que plus rien ne me va, que dans le miroir je ne me reconnais plus du tout, que le temps ou l’énergie je n’en ai jamais beaucoup…

Or je suis seule la plupart du temps, avec deux bébés d’un coup alors que ce sont les premiers nés vivants. Dix à douze heures par jour seule avec elles, tous les jours, sans jamais de pause. Pas de weekend, pas de vacances. Et je n’ai pas vraiment eu d’entraînement avant.. Lui fait le service du matin, et m’aide le soir et le weekend. Et en général, je le laisse aussi se lever la nuit, sinon je m’écroule complètement.
Avant et pendant la grossesse qui a été si compliquée, tout n’a été que gouffres à énergie, me laissant exsangue de base. Et isolés comme nous sommes tous les quatre, personne ne peut réellement nous venir en aide autrement que très ponctuellement (même si on a des proches extra-ordinaires qui ont pris sur eux de venir nous soulager un peu au début*, le temps qu’on prenne quelques marques).  Alors forcément, c’est éprouvant.
Ce n’est pas pour rien que l’adage affirme qu’il faut tout un village pour élever un enfant… c’était possible dans un autre temps, ça ne l’est plus vraiment, mais ça devrait, ça me semble évident.

Un an d’improvisation et de pifomètre comme on pouvait, car il n’y a définitivement pas de mode d’emploi. Aucun emploi du temps fixe de défini. Impossible de prendre une habitude et presque impossible de prévoir la moindre petite chose.
D’une semaine sur l’autre, tout change. La qualité de leur sommeil, leur accueil des repas, leur façon de jouer.. Certains changements sont plus radicaux que les autres, et opèrent parfois du jour au lendemain, sans préavis, nous laissant sacrément démunis.. Sans vraiment le vouloir, elles « décident ». Et toute nouveauté imposée par Papa/Maman se paie, parfois très cher et longuement. C’est ainsi.. tout ne peut pas être tout rose..

Non, tout ne peut pas être tout rose, même si tout n’est pas noir. Histoire d’expliquer ce ressenti (et m’auto-souligner dans un coin de ma tête que je suis encore là malgré tout ça, à tenir le cap -tant bien que mal- alors que je ne m’en pensais pas capable), je vous donne trois faits :

– En une année, il n’y a que que 5 jours où je n’ai pas pleuré du tout, et 2 où ce n’était pas en lien avec mes filles. L’équivalent d’une semaine. Une semaine sur cinquante-deux. J’ignore si c’est assez parlant pour décrire la détresse qui m’a collé au corps et à l’âme. J’essaie de me dire que ça prouve que j’ai des ressources insoupçonnées..

– De la même façon, sur un an, et en heures cumulées, j’ai confié les filles à d’autres personnes moins d’une semaine en tout et pour tout (dont la plupart grâce à ma mère qui nous a donné de l’argent pour une auxiliaire – qui aurait dû être de puériculture et qui était « de vie », #arnaque – à domicile). Et il y a eu *une semaine où mon héro de toujours et mon incroyable Belle-Soeur ont été présents avec nous pour nous soulager. C’est déjà merveilleux, mais au total, cela ne pèse pas lourd je vous avoue..
J’ai fait de mon mieux, je me suis donnée à fond. Mais là je ressens un réel besoin de souffler un peu, et j’ai eu beau chercher, je ne vois pas d’autre solution. Alors même si je culpabilise, je vais voir pour les confier à une assistante maternelle, en dehors de la maison, pour souffler par à-coups.

– En dehors de quelques petites choses que nous surveillons, il n’y a « rien à signaler ». Rien qui soit grave ou vraiment inquiétant. Les filles ont une courbe de croissance normale. Comme si elles n’étaient jamais arrivée en avance. Malgré mes doutes, mes peurs, mes loupés… J’imagine que ça veut dire qu’on ne s’en sort pas si mal ? Reste à espérer que dans leurs petites têtes et coeurs, tout aille aussi bien que dans le reste de leurs corps… En tout cas, même si je n’ai pas l’inépuisable patience que j’aurais souhaitée, ni l’énergie que je voudrais, même si je « râlouille » dans ma barbe assez régulièrement, j’ai « réussi » en partie l’un des points qui me tenait le plus à coeur. Car au final, je crie peu, je ne dis rien de méchant sur elles à mes filles, et je ne les frappe pas. C’est moins évident qu’il n’y paraît, car la détresse peut pousser à des actes qu’on n’aurait jamais pensé faire… C’était ma plus grande peur, en venir à ce genre de choses avec elles. Ça l’est toujours : je ne prends rien pour acquis. Et je prie pour tenir le coup.

Bref. Du coup, un an donc à apprendre d’elles et pour elles, plus que je ne leur apprends quoi que ce soit.
À devoir affronter d’anciennes blessures que je pensais avoir soignées, ou dont j’ignorais encore l’existence en moi.

Un an très très chargé. Un an très très compliqué. Le premier d’une longue lignée.
Physiquement, mentalement.. à tous les degrés, et à prier qu’elles se sachent aimées.

Un an de pleurs. Un an de cris. De frustration des deux côtés, de communication bridée. D’impuissances subies.
Un an avec, quand même et heureusement, des rires et des sourires aussi. Des moments de partages simples et radieux de mignonneries..

Un an de découvertes, et de galères modèle géants, Mais un an de fascination et d’émerveillements également.
Devant la vitesse à laquelle tout évolue, devant leur étonnant développement, leur opiniâtreté et leurs réussites inconscientes. À fondre devant un regard, ou la venue d’une petite dent. À s’émouvoir d’une petite main qui serre mon doigt fermement, chaque fois pareil et pourtant toujours différemment..

Peut-être que c’est « suffisant ». Peut-être qu’il est impossible de faire plus actuellement.
Peut-être.

Elles vont gagner en autonomie, lentement, mais sûrement. Comprendre qu’elles sont deux et donc jamais seules. Qu’elles peuvent jouer ensemble… Je l’espère en tout cas.
Elles finiront par parler, apprendre à exprimer autrement que par hurlements ce qui ne leur convient pas, ce qu’elles ont ou n’ont pas. On va réussir à communiquer de façon moins incertaine, petit à petit. Bien sûr, on aura d’autres soucis après. Mais je me force à ne pas y penser.  Pour le moment, faut tenir le coup et c’est tout, y’a pas le choix. Alors j’essaie de « positiver » quand je peux, au maximum de mes maigres capacités..

Car les jours sans pleurer sont tous « récents ». Ils n’arrivaient pas avant, mais existent maintenant, et je veux croire que ça veut dire que ça s’améliore, tout doucement.
Les filles commencent – quand elles sont motivées – à s’occuper toutes seules sur des périodes raisonnables, même s’il faut toujours les rassurer fréquemment : oui je suis là, oui je te regarde, oui je t’entends.. Elles rient quand même bien dès lors qu’on joue avec elles, et elles ont des yeux bourrés de malice quand nos regards se croisent. Elles sont curieuses, déterminées, et tant d’autres choses encore. Alors, oui, elles râlent beaucoup (peut être comme leur mère au fond finalement), mais elles ont globalement une joie de vivre communicative quand tout va bien, et ça me donne envie de protéger ça, aussi fort que possible, car qui le fera si ce n’est leurs parents ? C’est notre rôle, malgré les épreuves et le quotidien éreintant… et puis il y a cette maxime qu’une amie m’a offerte en passant :

« Tout passe ».

C’est mon mantra. Je m’y accroche comme à une bouée, et je me le répète jusqu’à ce que tout le reste se soit dispersé.

Tout passe. On finira par y arriver. Ça va aller. Faire au mieux, si besoin réparer, accompagner, et surtout, surtout, ne pas cesser d’espérer, ne pas oublier qu’aussi dur que ce soit, c’est une chance qui nous est donnée, et que d’autres n’auront jamais.

Un an d’espoir et de gratitude entre deux tsunamis.
Un an de vie.

Joyeux anniversaire mes diablotines chéries.