J’ai eu un gros gros passage à vide.
Je crois que ça commence à aller mieux, même si les angoisses sont toujours là;
J’ai beaucoup hésité à poster tout ça. Et puis bon, je fais ce que je veux après tout.
Si j’ai eu besoin de l’écrire, c’est probablement pour une raison..
Je vous raconte ma vie, ce qui s’est passé jusque là, un peu méli mélo, mais rien ne vous oblige à lire;
Comme elles étaient en avance, tout a été un peu compliqué.
Entre prématurité pour elles, et césarienne pour moi, on ne s’est pas vraiment rencontrées tout de suite.
Trois minutes entre le moment où la docteure a dit « incision », et celui où elle a commencé à me recoudre. Un vague contact sur la joue entre les deux, et après, un regard en sortant de la salle d’opération, et puis plus rien pendant.. Je ne sais plus. Au moins les quelques heures passées en salle de réveil.. Je n’avais plus du tout la notion du temps, ni de rien… les premiers jours sont si flous.. Je les ai vues un peu le soir dans ma chambre, après transfusion de deux poches de sang qui m’ont permis de reprendre quelque peu mes esprits, petit à petit.
Outre ces moments, mes filles ont été directement en néonatalogie, et leur papa s’occupait d’elles dès qu’on l’appelait. Il restait à les veiller aussi de temps en temps, pour qu’elles ne soient pas seules là bas. Je ne l’ai pas beaucoup vu non plus au début. Cela me rassurait de le savoir à leurs côtés, et ça minimisait sûrement ce tsunami de culpabilité de ne pas pouvoir y être moi-même, mais en même temps, égoïstement, j’aurais voulu qu’il soit aussi aux miens un chouilla plus. Je me sentais si nulle, faible… il a fait ce qu’il a pu, je ne lui fais aucun reproche. Et puis, la situation aurait pu être tellement pire…
Ça a néanmoins été douloureux, moralement plus encore que physiquement. Ne pas avoir mes bébés près de moi de suite, ne pas être en mesure de faire quoi que ce soit – puis galérer à faire, coupée en deux par la douleur, quand j’allais les voir au bout du couloir. Honte et culpabilité planaient partout, entourées de doutes, de peurs… Je me sentais sans cesse vide, ‘seule’, et inutile. Incapable aussi. J’ai beaucoup pleuré quand personne ne regardait, et j’ai aussi craqué quelques fois le reste du temps, incapable de maintenir la façade en public, bien malgré moi.. Je me suis sentie jugée par certains personnels de santé, ignorée par d’autres. Rares sont celles qui m’ont offert un petit mot de réconfort. En temps normal, j’aime qu’on me fiche la paix. Là, j’aurais souhaité un tout petit peu plus d’accompagnement, de mots rassurants venant de personnes neutres… C’est fou ce qu’on peut être vulnérable parfois.. J’ai passé un sale moment dans cette maternité, mais au moins nous étions loin de tout le monde. Personne dans les proches n’est venu contempler mon affligeant spectacle, et c’est toujours ça. Je déteste qu’on me voit pleurer quand je sais que je devrais être heureuse… mais le Bonheur ne se commande pas.
Moi j’avais des années de pressions, de douleurs et de peurs qui tentaient de sortir en même temps que le plus grand chamboulement de ma vie qui se produisait en balayant absolument tout… et deux étoiles en bord de mémoire me procurant des émotions très contradictoires en filigrane sur tout le reste..
Heureusement, mes filles sont fortes. Elles ont bien fait leur part. Autonomie alimentaire et respiratoire dès le début, pas besoin de gros appareillage ! Merci à la docteure qui nous a recommandé les injections de corticoïdes pour forcer la maturation.. Nos petites guerrières ont atteint les 2kg juste avant la fin de mon propre séjour à l’hôpital : nous n’avons donc pas eu à rentrer sans elles à la maison ! Ça m’aurait anéantie je crois.
Le passage en néonat aura été relativement « soft » (même si ne minimisons pas : ça reste de la néonat). Douze jours d’hospitalisation pour mes fifilles au total, mais pas un n’aura été superflu ni pour elles, ni pour moi, le temps d’atterrir un minimum, doucement. Pour le reste, en respectivement 3 et 4 jours, elles ont pu commencer à réguler plutôt bien et seules leur température, au bout de 8 jours, elles avaient toutes les deux commencé à prendre du poids. Le reste mature tranquillement depuis, petit à petit. Elles ont un profil de bébé standard, parfaitement dans les courbes ! Des guerrières je vous dis.
Leur papa a été aux petits soins avec elles, et quand il avait encore assez d’énergie, avec moi aussi, entre deux allés-retour pour préparer leur arrivée, et acheter ce qui nous manquait.
La liste de maternité m’a semblé bien futile au final : bien des choses ne servent à rien, au moins les premiers temps, quand d’autres m’ont l’air essentielles et ne sont pas ou peu indiquées… et la « formation » est très limitée. D’ailleurs, une fois que le personnel a eu expliqué à Monsieur comment changer une couche et faire la toilette des filles, personne (sauf lui) n’a eu l’idée de me montrer à moi quand j’ai enfin pu participer… Enfin bref, heureusement que j’avais quelques notions préalables, parce que pour presque tout : on s’est débrouillés tous seuls, en fait.
La débrouille, finalement, c’est un peu le maître mot dans cette situation. Il y a beaucoup de choses qu’on ne nous dit pas, et il n’existe aucun mode d’emploi auquel se rattacher. La réponse à tout c’est un creux et sempiternel : « faites vous confiance, vous saurez« . * L – O – L *.
On a quand même posé des questions, insisté pour avoir des réponses plus concrètes, et on a bien fait, car on a fini par en obtenir quelques unes (notamment : comment moucher son bébé, genre pour tenter d’éviter une bronchiolite en cas de rhume.. au hasard hein)..
J’avais aussi des attentes suite à ce qu’on nous avait promis en choisissant cette mater, et j’ai été très, très déçue. Pas de peau à peau à l’hôpital notamment, quand on nous l’avait vendu comme limite essentiel pour des petits prémas. Pas de vraies explications pour savoir comment allaiter (juste pour utiliser le tire lait au final). Etc. On nous a balancé un livret théorique sur 2-3 trucs et basta. Chaque fois que je posais une question, j’avais l’impression d’être une emmerdeuse. Un plaisir..
Donc, la débrouille pour s’occuper des filles, mais aussi et surtout pour m’occuper de moi. Personne ne m’a réellement expliqué mes douleurs (ni essayé de vraiment m’aider avec), les précautions à prendre, ce qui m’attendait, etc. Les quelques réponses que j’ai pu avoir ont toutes variées d’une personne à l’autre. Sage femme, aide soignante, infirmière, etc.. Chacune sa version ou sa façon de ne pas répondre. Bref, j’ai découvert la plupart des trucs petit à petit.. parfois des mois après, complètement par hasard. Genre « il faut masser la cicatrice x fois par jour, tous les jours, comme ceci » trois mois après l’accouchement…
En fait, la gestion de la mère là où j’ai accouché, c’était néant. Heureusement qu’ils s’occupaient plutôt bien des bébés, parce que la mère, ils en avaient clairement rien à cirer. Leur seul point fort, c’est la chirurgienne (raison pour laquelle je suis allée là bas, sinon franchement je ne le voulais pas du tout) : un travail à priori impeccable au niveau de la cicatrice. Au début c’est hyper moche, mais depuis, c’est largement acceptable, même sans l’avoir massée comme il fallait, et c’est déjà une bonne chose (paraît qu’il faut essayer de positiver).
Je n’aime pas l’admettre, mais je n’allais pas bien du tout, et, par moment, ça ne va toujours pas fort.
J’étais heureuse d’avoir mes petits trésors bien vivants et bien portants avec moi (ou du moins pas loin), mais la fatigue, la douleur qui revenait sans cesse, le timing serré (j’y reviendrai), les hormones aussi il paraît, et puis la découverte qui nécessitait de s’apprivoiser doucement pour se (re)connaître/comprendre – ce qui a le don de me faire sentir incompétente -, les peurs au moindre truc.. ça pèse.
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Une fois rentrés, mon chéri a pu être pas mal là avec moi (un mois, tout son son congé parter en fait, que sa boîte lui a reproché d’avoir pris en une fois et qui depuis tente de le lui faire payer #ambiance), mais nous ne pouvions pas sortir nous aérer le cerveau. Les puces devaient d’abord dépasser les 3 kg et/ou les 3 mois je crois… j’ai du mal à me souvenir, ma mémoire est en charpie. Même après ça, les recommandations sont d’éviter de sortir quand il fait trop chaud, trop froid, qu’il vente, et je sais plus… Bref, même après les 3kg quand elles les ont atteint, avec la canicule bah on restait un peu coincés, et vu le temps qu’il fallait passer à s’en occuper, on aurait fait ça quand de toute façon ? Puis il a repris le taff, et bah.. je vous fais pas un dessin.. mais déjà qu’à deux c’était galère, alors seule dans un état déplorable…
Donc pendant X mois, pas de sorties hors rdv médical. D’ailleurs, en voiture, les recommandations c’est 1h30 de trajet maximum, puis pause d’au moins 30 minutes. Autant dire que si on sort, même encore maintenant, on n’ira jamais bien loin ! On fera une exception en période de Noël sûrement, mais guère plus. Les vraies sorties, c’est pas avant longtemps. Je me contente des malgré tout bienvenues sorties de 30-40 minutes avec la poussette quand mon chéri est avec moi (parce que la logistique pour trimballer deux bébés de l’étage au RDC sans se payer une salve de hurlements, les mettre dans les cosy qui pèsent une tonne, puis balader la poussette qui pèse aussi une tonne déjà à vide dans des rues passantes: au secours. Déso pas déso, mais je n’ai pas la foi ni la force). Quant à faire venir du monde, vu qu’on ne maîtrise pas les horaires et qu’elles ont décidé de ne presque jamais dormir… bonjour la galère !
On a quand même eu quelques visites, dont une salutaire de mon frère, même si ça reste assez peu sur la durée (on a notamment pu avoir à manger pendant une semaine et faire des siestes ♥). On a limité quand même le nombres de personnes qui passaient, par prudence.
Car soyons honnêtes : avec le parcours du combattant qu’on a fait pour les avoir, les épreuves traversées, et le covid qui est toujours là (ignorés de tous ceux en bonne santé en détriment de ceux qui ne le sont pas ou sont vulnérables, ça me rend folle) et tout ça, on ne va pas sortir ni inviter beaucoup. On a même décidé de limiter grandement les visites et les contacts jusqu’à leurs six mois « en corrigé » (c’est à dire en prenant en compte leur avance, soit près d’un mois et demi de décalage donc jusqu’en 2023).. hors de question de les perdre. Elles sont encore si fragiles.. et je crève d’angoisse dès qu’elles toussent..
BREF. Pour le moment je suis donc pas mal « confinée » avec les filles. Première fois qu’être coincée chez moi me pose un réel soucis… le Printemps s’est fait sans moi, de même pour l’Été et là l’Automne.. mes balades me manquent (mais de toute façon, en l’état, je ne suis plus capable de marcher ou rester debout 4heures d’affilée), prendre des photos aussi.. mais même dans la maison : jouer me manque, lire me manque, écrire me manque(… Mais je n’ai tout simplement pas le temps) et le Silence me manque. J’ai droit à des cris en général dès que je quitte la pièce, voire même dès que je les quitte des yeux certains jours.. et je ne gère pas bien les cris. Du tout. Surtout à longueur de journée.
Concernant le ‘timing’, je détaille un peu : au début, toutes les 4h (donc 6 fois par 24h), nous réveillions les puces, même de nuit, pour les changer, nettoyer le cordon/nombril, leur donner à manger, et s’assurer que tout allait bien. Puis on est passés « à la demande », là cela pouvait être toutes les 2h, 3, 4, parfois on avait de la chance c’était 5 ou 6h, mais la quantité de biberon à donner était de plus en plus grande, et donc prenait de plus en plus de temps ce qui revenait presque au même.. Et elles sont toujours deux.
Nous aussi on est deux, mais c’était parfois difficile de faire en même temps, surtout lorsque l’un de nous, ou l’une d’elles, ne se réveillent pas immédiatement. Cela nous prenait toujours strict minimum 1h, et ça pouvait aller jusqu’à 2h30, voire plus si on rajoutait les bains ponctuels, pour faire un « round ».
Entre chaque session au début, il restait alors de 1 à 3h maximum (en moyenne 2H quoi). Puis on pouvait espérer avoir 4h de temps en temps. Alors on pourrait penser que ça fait beaucoup de « temps libre », mais en fait : pas du tout. Parce que c’est 4h pour faire à chaque fois : la vaisselle des biberons (on utilise les mêmes à chaque fois), nettoyer les tâches de caca/vomitos des vêtements (entre autres), les lessives au besoin, nos repas, notre toilette, faire la paperasse, gérer les stocks de couches/liniment/lait/etc. parce qu’on n’avait pas l’habitude de gérer ça, faire les courses, repérer ce qu’il nous manque comme équipement, garder le contact avec tous les proches, etc. Ranger la maison aussi, vu que tout s’est finalement fait dans la précipitation. Je ne vous raconte même pas le capharnaüm chez nous…
Bref, c’était déjà incroyablement court finalement quand on voulait dégager un chouilla de *vrai* temps libre ou réellement se reposer et DORMIR. À supposer qu’elles dorment pendant ce temps là sans se réveiller.. Car elles ne dormaient pas toujours pendant ce temps là (même si au début, elles dormaient beaucoup plus que maintenant) et elles pouvaient pleurer quand même (ennui, cauchemars, douleurs), il fallait donc rester très présents. Aujourd’hui, il le faut toujours : si elle nous font une sieste de 30 minutes trois fois dans la journée, on a déjà de la chance… Elles font « presque » leurs nuits, c’est à dire qu’elles ne prennent pas de repas entre 21h30 et 6h, mais elles s’endorment en général passé 23h et se réveillent hélas à cause des douleurs des dents ou de cauchemars plusieurs fois par la suite. Et bien sûr, si l’une d’elles se réveillent, elle réveille l’autre… enfin bref.
Tout le reste du temps où elles sont réveillées, il faut meubler.
Au début c’était mon désir d’être très présente pour elles, j’avais la phobie qu’elles se sentent seules ou pas aimées.. Je l’ai encore, mais moins. Et je me dis qu’il faut bien qu’elles apprennent l’autonomie aussi, sinon ce sera trop dur pour elles comme pour moi… Le soucis c’est que je n’ai pas réussi à ralentir. Le moindre cri/pleur, et je repartais à jouer pour qu’elles soient sereines et contentes… je ne faisais plus grand chose d’autre du coup.. Mais petit à petit, je dois avouer qu’après plusieurs mois des mêmes jeux/interactions non stop, à m’oublier totalement bien malgré moi, j’ai commencé à saturer, et l’équilibre que je souhaitais atteindre vers leurs 6 mois ne s’est jamais pointé… Maintenant, il y a certains jours, je n’ai plus envie du tout de jouer, et je ne le vis pas très bien… Toutefois, j’arrive à moins culpabiliser depuis qu’on m’a affirmé qu’au final, très peu de parents jouaient plus de 2h par jour avec leur enfant (parce que actuellement, c’est un peu mon max en cumulé)… Je continue à faire de mon mieux : les prendre avec moi presque partout, comme je peux, rester auprès d’elles dès que c’est possible, jouant quand j’en ai le ‘courage’, écoutant, les laissant faire sous un oeil attentif, intervenant si nécessaire, tentant de comprendre la source de leur détresse quand elles hurlent… sans céder à la mienne quand je ne trouve pas ce dont elles ont besoin. (Enfin, je cède en partie vu qu’il ne s’est pas passé beaucoup de journées depuis leur arrivée où je n’ai pas pleuré… Super la maman, hein ? ).
C’est ce qui me pèse le plus, je crois : leurs pleurs (plus encore que les miens)…
N’importe qui qui pleure – même quelqu’un que je n’apprécie pas particulièrement -, et mon coeur finit par se serrer, et les larmes me montent en général vite aux yeux. Mais quand ce sont mes filles, c’est un déchirement sans nom. Je sais qu’elles communiquent ainsi. Elles « parlent » ainsi. Mais j’ai beau me le dire et me le répéter, une partie de moi continue de croire qu’elles me hurlent que je suis nulle, qu’elles me détestent de ne pas être mieux, qu’elles sont malheureuses…
Même sans cela, même les jours où je ne m’accable pas en pensées, je souffre de les entendre pleurer/hurler parce que ça reste du ‘bruit’ régulier voire continu et que, même avec les bouchons d’oreilles, ça me fait mal. Et je désespère quand trouver la source de leur mal-être m’échappe. Il y a tant de raisons possibles chaque fois.. Parce qu’elles ont fait un cauchemar, qu’elles ont mal, sont fatiguées, qu’elles s’ennuient ou qu’elles ont faim et que je tarde trop à intervenir ou préparer les biberons (compliqué surtout au début de toujours les nourrir en même temps, mais elles réclamaient ensemble et au final c’est plus rentable niveau temps, alors on a gardé ce rythme).. Il y a aussi ces hurlements quand on leur a mouché le nez parce qu’il le fallait, c’est juste horrible.. Et tous ces cris qu’on ne comprend pas, que rien n’apaise..
Je me suis sentie comme une sombre merde les premiers temps en continue, et maintenant encore par vague, même si j’ai pris un peu d’assurance depuis. C’est toujours très dur quand je n’ai pas pu dormir plus de 3-4h en cumulé pendant la nuit. Je suis assez vite submergée au final. Surtout quand les pleurs sont relativement inconsolables ou les cris trop rapprochés et prolongés.
Pourtant on a de la chance : elles ne pleurent ‘pas tant que ça‘. Faut dire que je suis là tout le temps, à m’escrimer à répondre. Je commence à moins y aller quand il n’y a à priori rien de sérieux, aussi dur que ce soit.. mais sans ça, elles ont besoin, et doivent, communiquer… Quand tout va bien, elles en sont au stade où elles poussent des cris de joie, mais bien stridents. Je les laisse faire, mais ça fatigue aussi quand même.. je m’inquiète de ne plus trop les entendre babiller à la place. J’ai toujours peur d’avoir raté quelque chose.. rien ne me paraît simple..
Jusqu’ici, temps et énergie ont été bien faiblards, et surtout ne sont plus à nous.. Je pensais qu’après l’accouchement, certaines choses iraient mieux de mon côté (douleurs/mobilité), et au final, c’était toujours pareil. Cela commençait à peine à aller mieux au bout de 2 longs mois, et j’en avais pour encore au moins 5 mois à en croire le personnel médical, soit dans mon cas : comme une seconde grossesse.. c’est long. Je me raccrochais à l’idée que ça ne pouvait que s’arranger. Preuve en était que je réduisais, lentement mais sûrement, les anti-douleurs. Sans ça je pense que j’aurais craqué plus souvent. La douleur de la grossesse/accouchement a finit par disparaître presque totalement (la cicatrice se manifeste parfois juste) au cours du troisième mois, remplacée par le retour de celles liées aux règles et ovulations (tiens, ça me manquait pas du tout ça !), aux migraines, et d’autres. Genre trois lombalgies en quatre mois et demi, des douleurs inexpliquées aux épaules et aux talons (dont médecin et kiné n’en ont absolument rien eu à f***** – on s’démerde, comme d’hab), etc. Le fait qu’elles soient plus espacées et non continues me permet de mieux les gérer, même si je m’en passerais bien.
Aussi, on nous avait promis des aides qui ne viendront probablement jamais, un suivi médical qui m’a semblé personnellement bâclé, et moultes autres choses encore. Beaucoup de petites déceptions et frustrations. La CAF qui devait nous aider (et nous permettre de voir si on pouvait demander une aide ponctuelle ne serait ce que pour le ménage le temps de prendre un rythme) en était encore à considérer que j’étais enceinte d’un seul enfant, comptant pour 0 dans le quotient familial (donc on avait droit à rien du tout). La paperasse de façon générale était à la ramasse et commence tout juste à se régler.. Cela et la douleur par dessus, ça use..
Grâce à ma mère, pour la fin d’année, on a pu embaucher une aide avec les filles. Quatre heures par semaine, elle vient s’en occuper pour que je puisse souffler. Enfin presque. Parce qu’on s’est fait avoir là dessus aussi, mais j’en reparlerai peut être un jour. Toujours est il qu’on prend ce qu’on peut, mais clairement après la période d’essai offerte par ma mère (merci à elle !), on ne renouvellera pas. J’ai une peur bleue de mettre les filles en crèche, mais il me faudra sans doute m’y résigner si je veux tenir le coup et les obliger à gérer la séparation et le social… enfin si on trouve une place quelque part..
À côté de ça, il y a eu la tentative d’allaitement en prime pour moi. Tirer le lait, ça m’épuisait. J’étais sensée le faire 6 fois par jour, mais impossible. C’était 20 à 45 minutes pour un tirage. Vingt minutes si j’arrivais à faire les deux à la fois (mais du coup les deux mains prises, impossible de m’occuper des filles même juste un peu) et 45 si je faisais l’un puis l’autre.. Même à l’hosto je n’ arrivais pas à le faire autant, alors à la maison…
De toute façon, avec la douleur, les angoisses et la fatigue, j’avais du mal à m’hydrater et m’alimenter. Du coup, mon corps galérait, et j’ignorais si j’allais pouvoir poursuivre le peu que j’arrivais à maintenir. La quantité ne cessait de diminuer, ce qui minait mon moral, du coup ça produisait moins, le bon cercle à la noix… Mon médecin n’arrêtait pas de répéter qu’il valait mieux arrêter, je me suis obstinée un temps, en sachant pertinemment que plus mon moral s’effondrait moins j’aurais de lait.. Petit à petit je me suis faite à l’idée qu’il allait falloir arrêter, parce que je n’y arrivais pas, essayant de me convaincre que chaque goutte de lait que j’aurais pu leur donner c’était déjà ça de pris.. J’aurais tant voulu pouvoir, pendant un an, offrir à mes bébés au moins un bib’ par jour de mon lait.. le seul qui ne leur donnait pas de crampes d’estomac/coliques.. À la maternité on m’avait tellement découragée que ma prétention avait chuté à 6 mois. Ensuite, quand j’en suis arrivée à leur donner à peine un quart de bib malgré tous mes efforts, et encore pas nécessairement tous les jours, j’ai renoncé la mort dans l’âme… j’aurais tenu trois mois moins trois jours. Je l’ai vécu comme un immense échec, même en sachant que j’ai fait mon maximum. J’en pleure encore parfois. C’était pas ce que je voulais.
En fait, jusqu’au bout : rien n’auras suivi le chemin que j’aurais aimé pouvoir emprunter… sauf elles.
Elles qui poussent bien et sont si choupinettes. Elles qui changent chaque jour, si vite.. Si ce n’était leurs deux frimousses, j’aurais sans doute déjà pété un câble..
Heureusement qu’un regard dans leurs grands yeux – autrefois nacrés et maintenant si vifs -, un petit sourire sur leur bouche de bébé encore sans dents, un éclat de rire innocent, une petite main toute douce qui se referme sur mon doigt… Ces merveilleux petits rien qui sont tellement tout, et on oublie un peu tout ça..
Elles rient, elles jouent. Elles sont en bonne santé. J’apprends à me dire que c’est déjà très beau, très chanceux.. Et j’essaie de savourer les moments où je suis à peu près en état, parce que tout passe horriblement vite, et surtout, oui : tout passe. Et les pleurs finiront par se tarir, les cris par s’apaiser, à mesure qu’elles vont grandir à nos côtés. Il y en aura d’autres, mais différents. Avec des mots, des possibilités de mieux se comprendre, mieux s’apprivoiser, s’adapter… Ce sera différent, et ça passera aussi. Et le temps filera toujours trop vite…
Alors on s’accroche, on fait ce qu’on peut, et on espère discrètement que ça suffira comme ça semble avoir suffit jusque là..